samedi 6 avril 2013

Régal n°43 (1953)

La plus belle photo du numéro 43 de la revue française Régal, non signée hélas...

Deux cartes postales en passant

Le carrefour fait son Paul Eluard et se laisse gagner par l'obsession des cartes postales. Deux trouvailles en passan, une française, une italienne...



lundi 1 avril 2013

Jean Vergerie





Jean Vergerie (le bien nommé) est connu des amateurs de romans de flagellation qui ont fleuri par milliers dans les années 10 et 20 à l'enseigne des Orties Blanches chez Jean Fort et de bien d'autres maisons d'édition spécialisées dans ces fantasmes déjà courants à l'époque. Vergerie perpétue  ce travail la décennie suivante dans la collection de l' Eglantine entre 1935 et 1938.
L'histoire de Priska est un reprint tardif (publié vers 1955 de façon clandestine par Eric Losfeld aux éditions de l'Hippogriffe) de L'enfer des Voluptés paru en 1937.
Attention, le texte qui suit est un pur spoiler ! Que ceux qui pensent pouvoir dégotter ce livre et s'en délecter ne lisent que les premières lignes !
Attention bis, ce livre est, parmi tous ceux que j'ai pu lire, probablement le plus violent, le plus fou, le plus répugnant dans la description de sévices en tous genres que si vous venez de déguster une platée de petits macarons Ladurée (ou Leader Price), je vous conseille de quitter cette page au plus vite avant se salir votre chemise ou votre robe !

Chapitre  1 !

Dès son entrée dans le roman, le lecteur plonge dans les environs de Deauville, terre de vice et dans laquelle les mondanités riment en secret avec les pires lubricités.
Ainsi, le héros, Raphaël Fewal, lors d'un dîner mondain, s'éprend d'une belle inconnue qui lui réserve bien des surprises... Pensant la gent féminine à ses pieds, il se retrouve à lécher, sous la menace du fouet,  ceux de la belle Priska, mystérieuse et inaccessible dominatrice aux ressources sadiques inépuisables!
Chose étrange au passage, notre sexy dominatrix à la peau brune dit venir de Poldavie, ce pays imaginaire créé lors d'un canular en 1926 par un membre de l'Action Française de Charles Maurras, Alain Mellet, pour déstabiliser la gauche.
Raphaël donc, en bon machiste sûr de lui, se retrouve enchaîné chez la belle Priska, soumis et obéissant, bien malgré lui. Madame Satan s'exclame : "Ah! Je savais bien que tu finirais par accepter. Quand je pense que tu voulais coucher avec moi alors que tu es juste bon à lécher mon derrière." Et il le lèchera son derrière, bien forcé, car la belle s'assied sur lui à la manière des femmes de Namio Harukawa, enfouissant la tête de l'esclave au plus profond de son anatomie...

 

"Le hurlement de souffrance de l'esclave est étouffé par les fesses nues de Priska, qui lui écrasent la bouche tellement elle est assise lourdement" (p.25)

L'humiliation ne s'arrête pas là car notre Raph se lamente encore en encore, contraint à ne jouer que le rôle du spectateur des ébats de Priska et de son amant Noir, le grand et fort Freddie, qui lui, fait ce qu'il veut de la perverse Poldave. Armé d'un fouet vif, il fait lui aussi subir à Raphaël les pires souffrances...
Puis, enfermé dans une pièce sombre, lié aux poignets et aux chevilles, Raphaël attend sa maîtresse. Celle-ci lui demande de faire sa toilette, après quoi,  elle l'humilie à nouveau.
"- Je te plais, esclave? interroge-t-elle.
-Oh! oui, maîtresse... vous êtes belle!
Alors, sans un mot, Priska s'accroupit jusqu'à hauteur de son esclave. Et, souriante, lui crache en pleine figure puis lui applique une rude paire de gifles.
-Dis moi merci, maintenant! ordonne-t-elle."
Bien évidemment, Raphaël finit par éprouver une certaine volupté à ce traitement légèrement corsé, et son désir n'en est que décuplé. Il est donc aux anges le jour où Priska ne voit pas venir l'amant qui était censé lui procurer son plaisir quotidien. N'ayant que Raph sous la main, c'est lui qu'elle invite à prendre possession de son corps. L'esclave exulte ! Toutefois, c'est elle qui monte sur lui, il ne faut pas trop en demander tout de même... Une fois rassasiée, Priska s'accroupit au dessus de lui et "le souille honteusement de son intime besoin"... Alors, heureux?
Cette chance qu'à eu Raph de pouvoir pénétrer sa maîtresse ne va cependant pas sans une compensation, vous l'aurez deviné (le roman sadique ne fait pas dans la demi-mesure...) Raphaël promet à Priska de lui offrir son neveu et sa nièce en conduisant sa pauvre tante dans un traquenard, fournissant ainsi à la bourrelle deux nouveaux et jeunes esclaves. Fin du chapitre 1, et déjà bien des émotions !!

Chapitre 2!
C'est à Paris, capitale du vice, que se poursuit l'aventure. Priska emmène son esclave dans une réunion très spéciale... Quatre convives, connues dans la place de Paris comme le groupe des "Cravacheuses", se joignent à Priska dans une partie fine du meilleur goût. L'une d'entre elles, Wanda, porte autour de la taille un double gode qui ne fait qu'exacerber les sens des délicieuses perverses. Raph, quant à lui, prend quelques coups de cravache par ci par là, car le rôle de spectateur ne suffit jamais à un bon esclave...
On fait alors entrer le jeune Roger, neveu de Raph, qui ne sait pas encore qu'il est un homme. En quelques minutes, Priska et ses Wamps se chargent d'apprendre la vie au jeune homme, à la dure comme il se doit. Fouetté et éveillé au désir par la bouche de Priska, Roger sera désormais en la possession de la sadique, qui l'emmènera bientôt en Poldavie! Cruelle !
C'est ensuite au tour de la jeune Paulette, sœur de Roger, que s'applique l'humiliation des femmes en furie. Paulette se voit attribuer un lavement (gros fantasme de l'époque) duquel elle se souviendra longtemps, alors que sa mère, restée seule et terrifiée, ne sera pas mieux traitée, quelques instants plus tard...
Les femmes se retirent alors : "Mes chéries, allons nous aimer un peu après tant d'émotion". Tu m'étonnes. Et Raphaël de les suivre de force, homme chien soumis et obéissant.

Chapitre 3!
Le lendemain, la mère des deux nouveaux esclaves, que Priska avait chargé de laver son linge, voit arriver l'heure de sa correction. Irma, de son petit nom, se voit appliquer sur le visage un pantalon souillé par Priska, avant d'être fouettée en pleine face... Je vous avais prévenu, ce livre n'est pas pour les chochottes... et ce n'est vraiment que le début !!!
Se succèdent alors de nombreux sévices sadiens, Paulette pénétrée par les godes en cuir de Priska, Raphaël forcé de lui lécher la croupe, Irma attachée à des anneaux scellés aux murs et pénétrée par derrière avec un fer à friser brûlant, puis empalée sur un vélocipède dont la selle est un énorme phallus de cuir verni et le guidon une poire d'angoisse, les seins maltraités par des tenailles tenues par Prisca, et forcée de pédaler alors qu'elle est au bord de l'évanouissement et de la mort.  
On pense aux dessins sophistiqués et tordus d'Eneg (Gene Bilbrew), à cette inventivité dans les mises en scène de torture... La scène se termine en véritable massacre, poussant ce roman aux limites du supportable...


Chapitre 4 ! (combien de sadiques êtes-vous à lire encore ces lignes?)
Nous voici, enfin, en Poldavie ! Un peu d'exotisme oriental pour raffiner les plaisirs. Le cadre est posé : La propriété de Priska, "L'école des tourments" (ça promet) est située dans un ancien cratère de volcan éteint, et malgré ses nombreux étages, est entièrement souterraine !  Gardée par des cerbères humains et eunuques bien sûr, "c'est un véritable cercueil pour tous ceux qui y sont enfermés"... On imagine...
Des centaines d'élèves de tous âges y sont éduqués à la rude, et l'on y forme de parfaits esclaves pour les riches sadiques du monde entier. Prête à satisfaire le maximum de fantasmes, l'école va jusqu'à former des monstres, qui kidnappés dès leur plus jeune enfance, se voient transformés chirurgicalement en objets sexuels. Filles à la taille de guêpe, nains, géants, Vénus callipyges, femmes à barbes, filles de 15 ans aux seins énormes, monstres à grosses têtes et petits corps, garçons "féminisés", tout l'éventail des malformations provoquées ou non y est entretenu comme un trésor maléfique mais lucratif ! Ca vous fait rêver?


Chapitre 5 !
Se prépare l'orgie du siècle à L'Ecole des tourments. Sont conviés Ivanof, le régent de Poldavie, et Nubar, le responsable de l'ordre. Deux esclaves leur sont offertes. Attachés par les poignées et fouettées, la première à pousser un cri sera tuée, l'autre violée...
L'heure de la torture venue, on apporte une machine aux cent pointes aiguilles qui, une fois électrifiées et plantées dans le corps de la malheureuse déjà ensanglanté, ne lui laissent aucune chance de survie, d'autant plus qu'elle est aspergée d'eau bouillante et qu'on lui casse les bras (je continue?), qu'on lui crève les yeux,  et qu'on finit presque par la dépecer... Je vous passe quelques détails (dites moi merci)
Ivanof, régent de cette terre de perversions, a promis à Priska de faire fermer "Le Couvent des Angoisses" qui lui fait une trop forte concurrence. En échange de quoi Priska lui accorde une nuit d'amour, entourée de son esclave chien Raphaël et de Paulette.
Or, en 1937, une insurrection commanditée par les bandits internationaux aux mains du Couvent des Angoisse sème le trouble dans le pays alors que la Légion Verte, véritable police politique, se rend au Couvent pour massacrer tout le monde et capture la responsable des lieux, la señorita Moron.
Pire que tous les personnages précédents, si c'est possible, cette charmante espagnole, se sachant perdue d'avance, ordonne à tous ses sbires de se faire plaisir en disposant des femmes du quartier des vierges. Vergerie s'en donne une fois de plus à cœur joie dans les descriptions de tortures. Pour être gentil, je ne citerai que cette phrase qui fera brûler votre imagination : "C'était lugubre et néronesque. Il flottait une odeur de sang et de viol"...
Ivanof capture la señorita Moron et, oh surprise, la viole... après quelques tortures bien sûr, qui la privent de nez,  d'oreilles, de dents, puis elle est livrée au rats, emmurée, sympa.
"Et le Couvent des Angoisses n'était plus qu'un amas de décombres et de morceaux de cadavres, d'où l'on pouvait humer l'odeur de la poudre, de la poussière, de la chair calcinée et du sang. Les oiseaux de proie autour des amas fumants attendaient le moment d'intervenir"


Chapitre 6 !
Priska se fait lécher par son homme toutou puis s'en désintéresse d'un coup de pied dans la tête, avant de demander à la petite Paulette ce qu'elle lit. L'occasion pour Jean Vergerie de se faire un peu d'auto-promo, puisque la jeune fille lit "Férocités sensuelles", un livre de l'auteur donc. "une véritable pétarade de viols, de supplices effrayants, de lavements, de fesses cinglées". Bonne description de l'univers vergérien.
"- Tu as le choix, dit elle. Tortures et lubricités, le Couvent des tortures, Goules et Wampires, La clinique des cauchemars... Rien de plus sadique n'a jamais été écrit." True !
Notre joyeuse équipe de bourreaux et d'esclaves se rend à la salle des tortures, la fin du livre approche, on s'attend donc au pire. Ils se font la main sur une esclave, Maggie, attachée par les pieds à une poutrelle, jusqu'à ce que "le sang dégoutte du corps de la malheureuse, tachant le sol de plaques rouges". Suit le supplice du pal, particulièrement gore, durant lequel le Régent arrache les joues de la malheureuse avec une tenaille, pendant qu'un feu est allumé à ses pieds, la gagnant peu à peu tandis qu'elle s'enfonce de plus en plus sur le pal. Une fin de scène pour vous donner une idée du style de ce fou de Vergerie? "Alors la tête de la martyre s'inclina. Bientôt il n'y eut plus - vision dantesque et luciférienne - qu'un squelette aux lambeaux de chair brûlés et noircis chevauchant une chaise à clous"...


Chapitre 7!
Le Régent, ne l'oublions pas, attend sa récompense d'avoir exécuté l'ordre de Priska. Il ordonne à Priska de lui procurer ce plaisir auquel il tient tant, une simple fellation ! Or, Priska lui refuse cette pratique tout juste bonne pour de vulgaires prostituées... Le Régent, fou de rage, attaque la bourrelle récalcitrante à la cravache, de telle sorte qu'elle finit par céder. Mais la folie sadique qui s'empare alors de lui ne va qu'en s'aggravant, il lui casse une par une les dents, transformant sa bouche en un trou sanglant. Soucieux d'aller jusqu'au bout et d'éliminer cette fabricante d'esclaves pour prendre sa place, il lui réserve le pire des supplices, "La Vierge de la Mort". Avant cela, il s'assure que Priska n'ait plus d'oreilles ni de langue, mais passons...
"Peut-on imaginer salle de supplice plus sinistre? Côte à côte contre les murs, des mannequins de cire aux visages encagoulés tiennent des gros cierges électriques. Mais si le regard s'abaisse quelque peu on remarque que tous ces figurants de musée Grévin, ont le pantalon entr'ouvert et que des virilités de cire témoignent par leur obscénité quelque signification lubrique". Au centre de la pièce, l'objet du supplice, une "monstrueuse statue" ! Une vierge de fer sophistiquée, dans laquelle on jette la trop gourmande Priska. Des centaines de pointes métalliques lui transpercent le corps tandis qu'elle est pénétrée par deux sexes métalliques, et vite transformée en "bouillie d'os, de chair et de sang". Le Régent actionne alors un bouton qui ouvre la vierge de fer, et continue de se faire satisfaire par la docile Paulette, "au milieu des pires abjections".


Ouffffffff, voilà. la morale est sauve non, la méchante meurt à la fin. Le seul problème étant qu'elle meurt pour laisser place à bien pire qu'elle. Non, il n'y a définitivement aucun espoir pour personne dans ce livre de Jean Vergerie que le grand Christophe Bier me dit considérer comme un réel fou littéraire, et je suis bien d'accord avec lui. A la lecture de ce texte, on est curieux d'en connaître plus sur cet auteur qui ne recule devant rien, absolument RIEN ! Etait-il lui même un adepte de pratiques sado-masochistes? On a du mal à imaginer un tel type se forcer à écrire ces atrocités tant il semble parfois s'emporter dans les descriptions, lâcher le bon sens au point parfois de se perdre, de mettre ses personnages dans des positions techniquement irréalisables (lécher les seins d'une femme sur votre dos alors que vous êtes face à terre?), et porter l'intrigue de façon redoutable vers un climax de perversion inouï ! Je connais peu d'exemples depuis Sade à avoir décrit de façon aussi poussée la torture sous toutes ses formes avec cet élan, cette plume vive qui écrase la morale sur son passage. Bref, faites comme vous pouvez, mais lisez Jean Vergerie !



Je remercie l'Oncle Archibald pour ce post  et Christophe Bier pour son enthousiasme envers Vergerie, et les deux pour m'avoir autorisé à utiliser ces images de couvertures et d'illustrations (signées Sadie Mazo ou Sao-Chang.)



dimanche 31 mars 2013

Léonor Fini

Sublime photo de Léonor Fini datant de 1949. Source: "Léonor Fini" par Xavière Gauthier, Le Musée de Poche, 1973.



Thémidore de Godard d'Aucourt par Louis Malteste

7 illustrations de Louis Malteste pour ce texte aussi coquin qu'impertinent de Godard D'Aucourt, publié pour la première fois en 1745. Louis Malteste s'illustra principalement dans le domaine érotique, avec un faible pour la représentation de fessées et autres flagellations. D'ailleurs auteur sous le pseudonyme de Jacques d'Icy, il produira bon nombre de romans sadomasochistes dans les années 1910-1920.